dimanche 19 octobre 2014

AMADOU SEIDI DJIGO, OXFAM INTERMON EN MAURITANIE : « Concilier objectifs du développement et droits des populations »

Responsable du Programme bonne gouvernance économique et politique de Oxfam Intermon en 
Mauritanie, Monsieur Djjigo particite au Forum social africain Dakar 2014. Dans cet entretien sur l’accaparement de terres, il invité les autorités à la conciliation entre les impératifs du développement et les droits inaliénables des populations.

Quelle est aujourd’hui l’ampleur de l’accaparement des terres en Mauritanie ?

La question de l’accaparement des terres commence à être une problématique globale. Ce phénomène s’est installé au niveau de beaucoup de pays africains, notamment la Mauritanie. Des investisseurs étrangers arrivent de plus en plus dans le pays. Ils achètent ou louent des terres. Ils produisent en Mauritanie pour nourrir leurs populations.

Comment peut-on concrètement mesurer cette expropriation foncière ?

Au niveau de la partie Sud du pays, une société saoudienne (RHJ) est en train de négocier avec le gouvernement pour avoir 31 000 hectares de terres. Le projet n’a pas encore commencé, certes. Mais les populations concernées par cette zone à attribuer ou qui l’a été déjà, se mobilisent pour réclamer leur droit à la sécurité foncière.

Mais selon vous, qu’est-ce qui être à l’origine de la ruée sur les terres africaines en général, Mauritaniennes en particulier ?

Cela peut s’expliquer par le fait que le monde entier connait aujourd’hui un problème alimentaire. Cette pénurie de denrée nourricière concerne plusieurs pays, comme le notre. Les investisseurs (privés et étatiques) étrangers savent qu’il est facile d’acquérir des terres dans nos pays où la législation foncière est très faible. Un autre facteur est l’abondance de terres arables et de l’eau. Il est alors facile d’amortir son investissement. La terre est non seulement moins chère, mais aussi la fiscalité est presque inexistante. Les opérateurs préfèrent alors produire là où le coût de la production est très bas, pour ensuite  vendre le produit à un prix excessivement élevé sur le marché mondial. Donc l’accaparement de terres est un moyen de fructifier son argent.

Mais qui sont les auteurs de ce fléau en Mauritanie ?

Les acteurs sont multiples. Parmi eux, des opérateurs économiques nationaux. Il y a également des investisseurs étrangers venant des pays arabes, de l’Indes, d’autres pays africains… A cela s’ajoute des hommes politiques qui acquièrent de la terre pour développer leur capital.

Quelles peuvent en être les conséquences sur les exploitations familiales ?

Les exploitations familiales sont de plus menacées. La plupart de ses exploitants n’ont pas de titres fonciers. Les agriculteurs familiaux ne peuvent pas faire appel au témoignage pour prouver que les terres les appartiennent. Car cela n’est pas pris en compte. La victime, selon les procédures, doit prouver que la terre son patrimoine. Autrement, elle est du domaine de l’Etat. C’est cela le paradoxe.

Que faut-il faire pour guérir de ce mal?

La solution passe par la réforme de la législation foncière. Ce, pour l’adapter aux réalités de nos populations. Il faudrait également voir comment concilier les objectifs du développement avec les droits inaliénables des populations. Il faut consulter les populations quant aux décisions les concernant. L’Etat doit également penser à la sécurisation des droits des populations.


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